"Une formation à l’accompagnement spirituel qui m’a transformée"


Après avoir dirigé pendant huit ans l’école maternelle et primaire au sein du complexe scolaire catholique Père Augustin Planque à Cotonou, au Bénin, j’ai entamé une nouvelle mission en janvier 2023. Je suis venue renforcer l’équipe du  noviciat francophone d'Abengourou, en Côte d'Ivoire.Afin d’accompagner au mieux les novices, les responsables m’ont proposer de suivre une formation à l’accompagnement spirituel de cinq mois en France, à côté de Lyon, au centre spirituel jésuite du Châtelard.


Le Châtelard est un éco-centre spirituel dans lequel sont proposées des retraites ignatiennes de 3, 5, 8 ou 30 jours mais aussi des formations variées.Situé à l'ouest de Lyon, le Châtelard est un lieu calme où des personnes peuvent écouter la Parole de Dieu. Les Jésuites ont choisi ce cadre privilégié pour mettre la tradition spirituelle ignatienne au service de celles et ceux qui souhaitent s’engager dans un chemin de conversion écologique intégrale.J’ai commencé ma formation au Châtelard le 8 janvier 2024 avec un groupe de seize personnes (Prêtres, religieuses et religieux) de nationalités différentes et issus de  treize instituts différents. C’était un groupe formidable : en quelques jours nous nous sommes familiarisés comme si on se connaissait déjà.


Quant à l’équipe de formation, elle était très agréable avec des intervenants qualifiés.La première semaine de formation était réservée à l’accueil : chacun de nous a eu l’occasion de présenter son pays, la situation de l’Église dans la société et son institut.Après cette semaine d’accueil et la visite de quelques lieux stratégiques de Lyon, nous sommes rentrés dans le vif du sujet. Ce temps de formation étant très précieux, nous avons commencé par une retraite de fondement de trois jours avec les exercices spirituels et un accompagnement individuel selon la spiritualité ignatienne. Nous avons entamé la retraite avec quelques questions : « Pourquoi suis-je là ? » ou encore « Qu’est-ce que j’attends du Seigneur ? »

Nous avons laissé de côté tous les soucis et demandé à Dieu de s’en occuper, mystère de Dieu qui désire faire alliance avec l’homme et avec chacun de nous.Dans les exercices spirituels de Saint Ignace nous avons découvrons pour la première fois le mot « colloque », une forme de prière qui signifie « parler à Dieu comme un ami parle à son ami. » Les temps d’oraison à l’écoute de la Parole de Dieu m’ont disposé à entrer dans la formation avec sérénité.

Après la retraite, nous avons démarré la formation avec les différentes séries de sessions. Chaque session comprend  plusieurs thèmes : s’écouter pour mieux écouter, vie affective et son histoire, la lecture spirituelle, le récit de Saint Ignace, le combat spirituel, accueillir et accompagner une vocation, de la jalousie à la louange...Lors de chaque session j’ai trouvé qu’il y avait  quelque chose qui m’accrochait, qui bougeait, j’ai senti des déplacements en moi, des transformations. C’était un travail sur soi-même. Je souhaite ainsi partager avec vous quelques fruits recueillis des sessions vécues.


« S’écouter pour mieux écouter »

  • Prêter attention à ce que quelqu’un dit pour l’entendre et le comprendre
  • Tout ce que je fais a de l’impact sur l’autre
  • Je suis responsable de tout ce qui se passe en moi
  • Trouver la bonne distance c’est quand l’autre peut être lui-même, et moi, moi-même
  • Ne pas s’écouter soi-même quand j’écoute l’autre
  • S’ajuster au dialogue de l’autre
  • Écouter est toujours une relation
  • Nous venons à l’écoute avec notre présent et notre passé
  • Écouter c’est obéir


« De la jalousie à la louange »

  • Faire la différence entre la louange et l’action de grâce :
    • La louange c’est louer Dieu pour ce qu’il est, pour le bien qu’il a fait à quelqu’un, à une communauté ou à une société. La louange s’ouvre à la communion pour entrer et faire alliance avec Dieu
    • L’action de grâce  veut dire merci pour ce qu’on a reçu
  • La jalousie c’est détruire le bien qu’il y a dans l’autre. Dans chaque être humain il y a la pulsion de la jalousie, on ne peut pas l’éradiquer de notre vie
  • L’amour n’est pas un devoir mais c’est une rencontre. Il faut toujours vérifier l’information pour ne pas tomber dans la projection
  • La porte de sortie de la jalousie c’est l’ouverture, valoriser l’autre, aller à la rencontre de l’autre, pratiquer la louange, voir le positif dans l’autre et en moi-même, rentrer dans la prière


« La lecture spirituelle »

  • C’est la nourriture de l’âme, qui nourrit aussi notre prière personnelle. Il est très important de consacrer un temps à la lecture spirituelle dans notre vie quotidienne.
  • L’amour de Dieu trouve dans la lecture spirituelle son lait, dans la méditation son aliment et dans l’oraison sa lumière.


« L’anthropologie de la sexualité »

La sexualité façonne tout notre être, notre façon de parler, de penser et d’aimer. L’amour est toujours une capacité d’accueillir l’autre malgré les déceptions qu’il ne manque jamais de m’apporter (« je t’aime bien que tu m’aies déçu »). Pour être heureux ou heureuse dans nos relations humaines, il faut être trois :  l’autre, moi et le manque. Ou l’autre, moi et la solitude. Accepter que j’ai mon jardin secret et que l’autre aussi a son jardin secret.


« Accueillir et écouter pour accompagner »

Pour accueillir il faut une préparation matérielle et une préparation intérieure.

  • Préparation matérielle: lieu, pièce espacée, cadre, lumière, fleur, même hauteur des sièges, langage non verbal, sourire, regard sans déranger l’autre, présence physique, parole (« bonjour », « entrez »), intonation de la voix, appeler l’autre par son nom, rassurer...
  • Attitudes intérieures : responsabilité, présence à l’autre, discrétion compassion, empathie... L’écoute intéresse tout le corps, c’est-à-dire tout l’être. L’écoute est sans jugement sur l’autre. Écouter n’est pas accuser, certes l’écoute met justement hors du procès. Ne faire précéder son écoute de rien.


Qu’est-ce qu’écouter véritablement ? C’est accueillir en toute liberté la parole de l’autre escomptée de toute curiosité. L’écouté attend une parole de reconnaissance. En écoutant, on n’apporte pas de solution mais une parole de reconnaissance et on aide l’autre à se situer dans sa vérité.


Voilà quelques fruits recueillis dans ma corbeille pour nourrir au quotidien mon cheminement à la suite du Christ et favoriser une vie de fraternité heureuse avec mes frères et sœurs en communauté et dans la société.Les temps d’oraison, la prière personnelle et communautaire, puis la relecture ont été des moments très forts pour moi.Ils  ont produits des déplacements en moi. Cela a fait évoluer ma manière de concevoir les œuvres de Dieu. Comme le disait Saint Ignace :  « Ce n’est pas d’en savoir beaucoup qui rassasie et satisfait l’âme, mais c’est de sentir et de goûter intérieurement ».Pendant cette formation j’ai fait cette expérience de la présence agissante de Dieu. C’est un travail sur soi-même pour se mettre en route vers le Seigneur et vers les autres.


C’est la dimension transversale de la formation : la relation avec Dieu et avec les autres. Avec le groupe, nous avons animé et accompagné une retraite de cinq jours. Ce fut une très belle expérience pour moi.Je n’oublie pas nos temps de convivialités, nos sorties à Ars et à Taizé.Je n’avais pas eu de difficultés majeures à part le changement climatique qui m’a fatigué un peu au début. Aussi, je voudrais dire un sincère merci au Conseil de la Congrégation qui m’a fait confiance pour faire cette formation. 

Un grand merci à la Province de France et son Conseil et toutes les Sœurs de la Guilhe pour leur accueil et tout ce qu’elles ont fait pour me permettre de vivre avec aisance cette formation. Je vous suis très reconnaissante. 

Que Dieu vous bénisse et vous garde dans son amour !


Sœur Justine Gbesso Senami